Pendant deux jours, j'ai cherché fébrilement la clé de la boîte aux lettres de l'agence pour m'apercevoir à cette occasion qu'elle n'avait pas de sœur jumelle. Au début, j'ai pu le faire discrètement car, à la faveur d'un recommandé, le facteur nous avait monté le courrier. J'ai donc déclenché mon plan Orsec personnel : j'ai fouillé les poches de tout ce que j'avais porté depuis la veille, vidé mes tiroirs et mon sac (qui ressemble de plus en plus à celui de Mary Poppins, on s'attend presque à en voir sortir un lampadaire et un porte-manteau) ; j'ai même suspendu des ciseaux en invoquant ce bon Saint Antoine ("Vous qui voyez tout, rendez-nous ce qui n'est pas à vous"), rien n'y a fait. J'ai dû en informer mes boss (l'un n'y a prêté aucune attention alors que l'autre a fait des recherches dans ses propres affaires, attitude classique de part et d'autre). J'ai appelé le syndic de l'immeuble pour voir s'il n'en avait pas un double, prévenu mes collègues (là aussi, il y a ceux qui compatissent et cherchent avec vous et les autres...). Bon, fin de cet intolérable suspense, je l'ai retrouvée glissée sous le siège de ma voiture pourtant fouillée elle aussi. Si j'en parle, c'est que cette situation stressante pour moi et mon entourage n'est hélas pas une première. J'aimerais pouvoir dire que je suis atteinte du syndrome Dada (Défauts d'Attention Dus à l'Age) mais pas du tout : je suis comme ça depuis toute petite. A l'école déjà, "étourdie" le disputait avec "bavarde" sur mes bulletins scolaires. Je ne compte pas les clés, portefeuilles, gants, et parapluies - que ma belle-mère m'offre avec une belle constance chaque Noël ou presque - que j'ai pu perdre dans mon existence. Ma cousine Brigitte se souvient sans doute de la petite valise d'appoint contenant nos trousses de toilette et appareils-photos égarée dans le Roissy-Rail alors que nous allions prendre l'avion - et que nous avons retrouvée à notre retour (!) car je suis une distraite du genre vernie. Mon amie Françoise pourrait raconter comment nous avons passé un dimanche après-midi à faire toute une ligne de banlieue dans les deux sens pour aller récupérer au terminus mon sac à main (!). Il ne faut pas croire que cela m'amuse, je passe un temps incalculable dans ma vie à réparer les pots cassés. Vivre avec moi ce n'est pas tous les jours une sinécure ! J'ai réfléchi à ce manque chronique d'attention et voilà ce j'ai observé : je ne me souviens pas l'instant suivant de ce que je viens de faire l'instant d'avant. Ma mémoire serait-elle une ardoise magique ?
Pollini, 656.
Il y a 1 jour